17 février 1999

Surtout pas de l’équité salariale, et un impact négatif inévitable sur le système d’éducation

Québec, le 17 février 1999 — La Centrale de l’enseignement du Québec et ses deux fédérations d’enseignantes et d’enseignants dénoncent le dépôt du Conseil du trésor du 3 février sur l’équité salariale du personnel enseignant, parce qu’il fait table rase de la démarche et des résultats des travaux réalisés par les parties depuis 7 ans.

Cette première proposition ignore le secteur collégial et la formation professionnelle, marque une volte-face inadmissible sur la reconnaissance de la durée et de la valeur du travail d’enseignement et constitue un affront à la dernière grande catégorie de salariés à ne pas avoir encore fait l’objet de rajustement au titre de l’équité salariale. Elle constitue aussi un geste téméraire, néfaste pour la qualité du système d’éducation. Elle fournit de plus aux autres employeurs québécois un exemple navrant d’irrespect de la Loi sur l’équité salariale.

« Nos membres mesurent le mépris qui sous-tend cette proposition initiale et voudront poser des gestes pour marquer à quel point ils se sentent abusés et pour obtenir la reconnaissance à part entière de leur profession », ont indiqué les porte-parole de la Centrale de l’enseignement du Québec, la première vice-présidente Monique Richard, la vice-présidente de la Fédération des syndicats de l’enseignement, Johanne Fortier, et le vice-président de la Fédération des enseignantes et enseignants de cégep, Carl Charbonneau.

Pas de l’équité salariale

Dans les faits la proposition patronale s’écarte délibérément et résolument de la voie tracée jusqu’à maintenant dans la réalisation des travaux pour atteindre l’équité salariale chez les autres salariés de l’État. À quoi sert de mesurer la valeur d’un emploi, et de le comparer, si, en bout d’exercice, la partie patronale refuse d’accorder les redressements appropriés pour justement assurer le respect de ce droit?

Table rase de la durée du travail

Depuis quelques mois, par des épurations et des manipulations, le gouvernement a réduit sa reconnaissance de la durée annuelle de travail de 1 609 heures à 1 430 heures, soit 35,75 heures par semaine. Il introduit une nouvelle notion de « temps requis » pour effectuer chacune des parties de la tâche, balayant ainsi l’étude du comité conjoint (CEQ-CT) de 1996, qui établissait la durée moyenne du travail à un peu plus de 40 heures par semaine. D’ailleurs cette enquête sur la durée du travail n’avait à l’origine pour seul objectif que de vérifier que les enseignantes et enseignants travaillent au moins autant, sur une base annuelle, que leurs collègues du secteur public, ce qui fut démontré.

Par sa proposition du 3 février, le gouvernement ne reconnaît plus que 90 % du travail réellement effectué par le personnel enseignant.

Le Conseil du trésor introduit en fin de parcours une évaluation subjective du temps de travail, qui retranche sur une base annuelle, plus ou moins 200 heures au résultat constaté par une enquête conjointe.

Pour y arriver, il diminue arbitrairement le temps consacré à certaines activités, et en ignore d’autres totalement. Il diminue le temps consacré à la préparation des cours et à la correction, il invoque la responsabilité professionnelle pour éliminer toute période qui doit être consacrée à la mise à jour des connaissances. Il diminue le temps des rencontres avec les parents, avec les collègues ou avec la direction, et il élimine toutes les activités étudiantes hors horaire, souvent celles qui permettent à l’élève de rester « accroché » à l’école.

Pour le travail d’encadrement des 8 000 stagiaires actuellement dans le réseau, la proposition ne reconnaît strictement rien.

Faut-il s’en surprendre, les manipulations de dernière minute du Conseil du trésor entraînent une diminution radicale des coûts engendrés par l’opération.

Table rase de la valeur du travail

Le Conseil du trésor avait d’abord établi que l’emploi d’enseignement impliquait le rangement 20 dans sa structure salariale (la CEQ avait conclu au rangement 21). Le dépôt du 3 février, par la manipulation de la cote attribuée à certains facteurs, introduit, pour la première fois, le rangement 19.

Table rase de la mesure des écarts

Dans ce domaine aussi le Conseil du trésor recule en proposant une méthode qui s’écarte délibérément des deux approches qui sont proposées dans la Loi sur l’équité salariale. Cette façon de mesurer les écarts entre des corps d’emploi équivalents, à prédominance masculine et féminine, est au coeur du processus de réalisation de l’équité salariale. Le gouvernement veut maintenant appuyer ses calculs sur les salaires moyens plutôt que sur le taux maximum des échelles de rémunération, comme le prescrit la Loi sur l’équité salariale.

Table rase de la convention collective

Même si les conventions collectives prévoyaient le paiement rétroactif à 1995 des sommes dues au titre de l’équité salariale, les artifices précédents amènent le Conseil du trésor à évaluer que la profession enseignante a été justement rétribuée jusqu’ici et que des correctifs ne seront pas nécessaires avant l’an 2000.

Table rase de la Loi sur l’équité salariale

En se plaçant délibérément sur le terrain d’une négociation traditionnelle, le gouvernement du Québec fait fi de sa propre loi. Les travaux ayant démontré que pour ramener la rémunération du travail d’enseignement à un niveau mesuré comparable à d’autres fonctions équivalentes, les déboursés pouvaient être importants; il a défini de quel ordre « devrait » être cet ajustement, et il tente de modifier, après coup, les paramètres observés, pour ramener le résultat de l’opération à l’intérieur des balises subjectives qu’il vient de fixer. La CEQ ne demande pas 700 millions $. Elle demande que le processus de recherche de l’équité salariale s’applique aussi aux enseignantes et aux enseignants, de la même façon qu’il a commencé à s’appliquer depuis 1990 à la majeure partie du personnel gouvernemental!

En morcelant l’emploi de l’enseignement le Conseil du trésor se place en contradiction avec les travaux du comité conjoint, et avec la Loi sur l’équité salariale qui détermine ce qu’est une catégorie d’emploi.

L’impact négatif sur le système d’éducation

Parce qu’il refuse de reconnaître le temps réellement effectué par le personnel enseignant, parce qu’il limite les activités éducatives et connexes à un « temps requis », le gouvernement envoie le signal clair au personnel enseignant qu’il en fait trop, qu’il en a toujours trop fait. Il refuse de reconnaître le caractère professionnel de la tâche enseignante.

Les conséquences sur la motivation du personnel risquent d’être désastreuses.

Faudra-t-il que les enseignantes et enseignants respectent la logique de la proposition gouvernementale et limitent le temps consacré à leurs tâches pour illustrer l’attaque qu’elle constitue contre la qualité des services éducatifs?

La mobilisation nécessaire

Parce qu’elles n’acceptent pas la dévalorisation de la profession que préconise la position patronale, et la négation des principes d’équité salariale, les principales instances des fédérations enseignantes de la CEQ ont résolu de rejeter ce premier dépôt, d’en exiger un nouveau qui soit en accord avec une véritable démarche d’équité salariale et invitent leurs membres à relancer la mobilisation dont ils ont fait preuve l’automne dernier. Ce sont eux qui détermineront l’ampleur et la nature des recours envisagés. Dès aujourd’hui l’ensemble des établissements scolaires du Québec et leurs abords seront pavoisés d’affiches réaffirmant : « L’équité salariale, je l’ai à coeur ! ».

Dans les prochaines semaines une autre opération sera notamment lancée, pour illustrer les conséquences néfastes et les effets absurdes sur la vie quotidienne de l’école de la proposition patronale relative à la durée du travail.

Pour information :

Philippe Châtillon
Attaché de presse CEQ
(514) 356-8888 p. 2610

Jean Laporte
Attaché de presse FSE
(418) 649-8888 p. 3107